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Nos élus nous ressemblent-ils ? (making of)

Notre idée d’origine n’était pas de comparer la population et ses élus en modifiant un critère géographique (de la municipalité à l’Assemblée Nationale), mais un critère temporel. Nous voulions nous centrer sur l’analyse du Conseil de la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB) à travers le temps, en comparant les élections de 2001, 2008 et 2014, pour observer de quelle manière évoluait la composition du Conseil, si elle se rapprochait de la population de ses 28 communes ou si elle s’en éloignait.

Cependant, après plusieurs déboires avec l’administration française, nous ne pouvions obtenir les données nécessaire, à savoir la liste des élus communautaires avec le sexe, l’âge et la profession de chaque député.

Réorientation et établissement des données

Nous nous sommes alors tournés vers l’idée de comparer les conseils de gouvernance locaux, du plus petit au plus grand échelon sur la région de Bordeaux, à chaque fois replacés par rapport à la population correspondante (donc population de la commune de Bordeaux, des 28 communes de la CUB, du département de Gironde, de la région Aquitaine et enfin de France). Notre idée était simple pour effectuer cette comparaison : créer, pour chaque conseil de gouvernance, un conseil fictif comportant le même nombre de sièges, mais réellement représentatif de la population concernée, pour pouvoir observer les différences ou similitudes.

Là encore, nous avons rencontré des problèmes pour trouver et recueillir nos données. Pour la population, nous utilisions le recensement de l’INSEE, mais pour les élus politiques, il apparaît encore une fois bien difficile pour nos institutions locales de lâcher des informations ultra confidentielles telles que l’âge et la profession de nos chers élus. Pour le Conseil municipal et le Conseil communautaire, les élections venaient juste de se terminer et les documents étaient tout frais et disponibles. Mais pour les élus départementaux et régionaux, cela fut une tâche bien plus fastidieuse. Nous disposions de la liste de tous les élus municipaux de France, avec sexe, âge et profession. Nous avons donc pu retrouver certains membres des conseils général et régional, qui sont parfois aussi maires ou élus au niveau local. Il nous restait alors un grand nombre de noms sans données, que nous avons alors recherchés à la main, en fouillant sur internet pour chaque élu.

Des limites du classement de l’information en données chiffrées

Une autre difficulté de notre travail venait ensuite de la méthode même choisie pour classer et analyser nos données. En d’autres termes, comment catégoriser l’appartenance à une même classe d’âge et regrouper de manière pertinente les différentes professions. Nous avons décidé de conserver le classement en catégories effectué par l’INSEE dans le recensement de la population de 2010, autant pour les classes d’âge que pour les catégories socio-professionnelles. Cette rationalisation de nos données selon un code était absolument nécessaire, car c’est ainsi que s’effectue le recensement de la population, ce qui permet la comparaison qui était notre but. Il faut ici souligner le caractère arbitraire et approximatif de ces classifications qui nous ont permis de coder nos données et d’en dégager des statistiques.

En premier lieu, pour pouvoir comparer nos chiffres sur les élus à ceux du recensement de la population française par l’INSEE, nous avons ciblé la population à partir de laquelle étaient formées les assemblées représentatives : les plus de 20 ans pour le sexe et l’âge, les plus de 15 ans pour la profession. Certes, dans le premier cas, être élu à 19 ans est possible, et dans le second, être élu à 16 ans ne l’est pas. Ce premier choix a donc pour conséquence de légèrement fausser les assemblées représentatives.

Si l’on prend l’exemple de la profession : les catégories socio-professionnelles de l’INSEE apparaissent en effet bien floues et protéiformes. Par exemple la catégorie 2 rassemble les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, ce qui peut renvoyer à des emplois et des situations financières plus que variés.

Enfin, une autre limite de ce classement en PCS bien définies vient aussi du fait que beaucoup d’élus (et c’est d’autant plus vrai au fur et à mesure que l’on monte dans les strates du pouvoir) n’exercent plus de profession hors de la vie politique depuis de nombreuses années. Certains n’en ont même jamais exercé et ont intégré le milieu politique dès la fin de leurs études, en passant par le milieu associatif, véritable tremplin pour pénétrer dans l’antre fermée de la gouvernance locale.

Elargissement de l’ampleur et de l’angle du sujet

Une fois ce premier travail accompli, nous avons décidé d’ajouter deux éléments supplémentaires à notre étude.

D’abord passer à l’étude du degré national, c’est-à-dire effectuer le même travail pour les députés. Pour obtenir la liste des députés avec toujours sexe, âge et profession, nous avons mis au point un outil de scrapping, qui permet d’automatiser la récupération de données, sans passer une copie manuelle des informations nom par nom. Malgré tout, un long travail fut nécessaire pour corriger, récupérer manuellement les informations manquantes et les normaliser.

Seconde nouveauté : intégrer l’appartenance politique. Ce critère sort un peu de notre angle initial, car il ne traduit pas vraiment la représentativité sociologique des élus par rapport à la population, et traite davantage de représentativité électorale. Cependant, nous avons décidé d’élargir notre recherche car ce critère nous paraissait aussi pertinent pour apporter un éclairage différent sur la distance que peuvent avoir ces conseils avec les citoyens qu’ils représentent.

De nouveau, nous avons établi des statistiques en comparant le résultat effectif pour chaque couleur politique lors des élections, avec le nombre réel de sièges obtenus. La difficulté ici fut surtout de comprendre le mode d’élection propre à chaque assemblée pour sa constitution. Ainsi pour le Conseil général par exemple, il s’agissait de retrouver et d’harmoniser les résultats des élections de 2008 ou 2011 selon le canton, puisque l’assemblée départementale est renouvelable par moitié tous les trois ans.

Là aussi, chiffrer les données a nécessairement conduit à des approximations et des simplifications. Pour clarifier les visualisations, différents partis ont parfois été regroupés sous une même étiquette, soit parce qu’ils nous semblaient assez proches pour être confondus, soit parce qu’ils ont participé aux élections sous une liste commune. Dans le Conseil municipal de Bordeaux, nous avons donc assimilé l’UMP et l’UDI puisque la liste Union de la Droite les rassemblait. La distribution des sièges au sein des assemblée représentatives peut aussi surprendre car elle fait appel à un mode de scrutin proportionnel alors que toutes les élections françaises sont majoritaires. Enfin, l’abstention, les bulletins blancs et nuls n’ont pas été comptabilisés.

Visualisations finales : le choix d’Illustrator

Enfin, après avoir rassemblé toutes nos données, venait le moment de choisir la forme visuelle la plus adéquate, qui permettrait le mieux de mettre en relief la comparaison entre les conseils de gouvernance réels et les conseils fictifs que nous avions créés par rapport à la population.

Nous avons choisi d’utiliser le logiciel Illustrator, car c’est une des seules méthodes qui nous permettait de placer frontalement deux visualisations pour mettre en relation nos deux conseils pour chaque assemblée. Le travail fut encore une fois fastidieux, car il consistait à dessiner nous-mêmes un hémicycle, ainsi que chacun des cercles représentant un élu (en particulier pour l’Assemblée Nationale qui comporte 577 députés). Il fallait ensuite colorer un à un les cercles en fonction du critère choisi, selon un code couleur établi. Ce qui fait : 5 assemblées x 4 critères x 2 conseils à chaque fois (réel et fictif) = 40 hémicycles à composer à la main.

Vous pouvez encore consulter les sites du datajournalismelab de 2013 et de 2012. Outre les productions des étudiants, vous y trouverez des documents visant à partager les expériences et la réflexion des nombreux acteurs de ce laboratoire autour d’un modus operandi de la formation au datajournalisme.