Sud Ouest: ces électeurs que le FN séduit
Le Front National, pour la première fois de son histoire, est en tête d’une élection nationale aux européennes du 25 mai 2014. La circonscription du Sud-Ouest n’échappe pas à la règle. Louis Alliot arrive premier avec 24,71 % des voix. Par rapport aux dernières européennes de 2009, le candidat frontiste multiplie son score par 4. Les chiffres montrent qu’il prospère sur des terrains qui lui ont toujours été propices. Parmi les chômeurs, les précaires et les victimes de la mondialisation, l’avancée du parti d’extrême droite s’érige sur ses bases sociologiques habituelles.
Dans la circonscription du Sud Ouest, c’est en Aquitaine que le FN progresse le plus. Il faut dire que c’est là où sa marge de progression est la plus forte avec un électorat d’ordinaire rétif aux bulletins FN. En valeur absolue, ses voix par rapport à 2009 sont multipliées par près de 5. En revanche, le Languedoc-Roussillon est depuis longtemps une terre frontiste. C’est là que Gilbert Collard a été élu député, que Louis Alliot et Robert Ménard ont pris des mairies. Le FN y multiplie son score par 4 environ, et la région offre à Louis Alliot son meilleur score dans la circonscription.
Une percée indéniable, qu’on peut difficilement relativiser. Certes, par rapport aux présidentielles de 2012, le FN perd 200 000 voix. Mais il a beaucoup plus mobilisé ses troupes que les autres partis. Dans un contexte d’abstention forte, il gagne mécaniquement en pourcentage. Joël Gombin, politologue spécialiste du vote frontiste commente ce constat : « Le Front National a l’avantage très net de n’avoir jamais exercé le pouvoir, il n’a pas à subir l’effet de désillusion qui frappe les autres. » La victoire du FN est avant tout due à la faiblesse de l’UMP et du PS. Les communes où les électeurs se sont le moins déplacés sont souvent celles où Louis Alliot fait ses meilleurs scores.
Le FN solide sur ses bases
Depuis 2009, le vote FN fidélise de plus en plus d’électeurs, mais dans les catégories sociales qui lui sont favorables depuis longtemps. Joël Gombin les décrypte : « Dans les années 1990, l’électorat est devenu beaucoup plus populaire. Aujourd’hui, c’est toujours le cas. On l’a vu dans ce scrutin avec des taux de pénétration forts chez les ouvriers et les employés ».
Ces graphiques mettent en lumière les données socio-économiques à la base du vote FN.
Ce graphique illustre le score du FN (%) par zone d’emploi en fonction du son taux de chômage. Plus une zone est située à droite de la représentation, plus son taux de chômage est important. Plus elle est haute sur la représentation, plus le score du FN y a été important.
La fragilité économique et sociale est donc au cœur du vote Front National. Ce ne sont pas les plus pauvres ni les plus marginalisés qui votent le plus à l’extrême droite. L’électorat lepeniste est majoritairement constitué de populations « limites »: pas vraiment dans les classes moyennes, ni tout à fait sous le taux de pauvreté. Des classes populaires qui craignent d’être déclassées.
« Fractures françaises »
Sociologie et géographie du vote FN sont intimement liées. Ces classes populaires sont reléguées aux périphéries des centres urbains. Les bastions d’extrême droite sont à la fois à la lisière des grandes villes et du déclassement : une fracture entre les métropoles bien intégrées à l’économie et la France périphérique.
À Bordeaux et Toulouse, le FN n’arrive qu’en 5ème et 4ème position. Villes jeunes, riches, rattachées au train de la mondialisation… Le contraste est rude avec ces communes périphériques, pauvres, précaires et éloignées des bassins d’emplois, où le FN arrive très souvent en tête. En revanche, contrairement aux idées reçues, l’extrême droite ne fait pas des scores mirobolants dans les communes rurales.
La lecture xénophobe et raciste du vote FN occulte un réel malaise social qui en est également à l’origine. Joël Gombin est catégorique : « La mondialisation touche surtout les métropoles urbaines alors que territoires les plus périphériques vivent d’une économie résidentielle, de l’emploi peu qualifié qui mènent à un appauvrissement ». Les électeurs du Front National : des exclus que les grands partis n’arrivent plus à atteindre.
Damien Gozioso, Eléonore Sens et Romain Pouzin Roux.